Ingénieur des Mines/Telecom et Directeur de Carré Products, Noël Segura fait le point sur l’éclairage solaire, de ses débuts aux possibilités techniques actuelles et futures. L’occasion de parler performances et état des lieux d’une technologie en plein développement. Si la transition énergétique met en avant les énergies renouvelables, certains standards de qualité sont à respecter, comme le montre Noël Segura.
Sommaire
I. Genèse de l'éclairage photovoltaïque
II. La France et l’éclairage solaire
III. Le point sur la technologie
IV. Focus technique : installation et performances de l'éclairage photovoltaïque
V. Les perspectives d'évolution
I. Genèse de l'éclairage photovoltaïque
Antoine Becquerel, un physicien Français, découvre en 1839 que certains matériaux produisent un courant électrique en y concentrant des faisceaux lumineux. C’est une révolution : de l’électricité produite simplement par de la lumière ! Quelques années après, Albert Einstein expliquera le phénomène. Le photovoltaïque est né.
L’énergie photovoltaïque est une énergie libre, inépuisable à l’échelle humaine, disponible n’importe où où il y a du soleil. Ses débuts sont difficiles, elle est étouffée par le lobbying puissant des industries pétrolières et nucléaires. Elle devra attendre le premier choc pétrolier pour que la recherche, sous la tutelle des gouvernements, décide de s’y intéresser… un peu.
Le photovoltaïque et l’éclairage sont intimement liés. Les énergéticiens parlent en Watts tandis que les éclairagistes s’expriment en Lux, chacun s’intéresse à la puissance restante après un passage de lumière dans un capteur. Le capteur d’un éclairagiste s’appelle l’œil humain. Celui d’un énergéticien, un matériau semi-conducteur. Imaginez-vous capable de capturer un rayon du soleil pour le restituer la nuit, c’est ça l’éclairage solaire ! Emettre de la lumière à partir de la lumière, c’est l’application la plus évidente du photovoltaïque.
Les premières réalisations datent des années 80 et ont défini le marché du site isolé. Dans les pays en voie de développement, l’éclairage public est un facteur de développement essentiel. Il est bien vital. Seulement, le coût de l’énergie et le manque d’infrastructure ne permettent pas sa croissance. L’éclairage solaire est une solution à cette problématique.
II. La France et l’éclairage solaire
Grâce à l’évolution technologique, les systèmes d’éclairage solaire sont devenus plus fiables et performants, ce qui a permis d’ouvrir le marché aux pays industrialisés. En France, l’éclairage public représente 40 % du budget des collectivités et consomme l’équivalent d’un ou deux réacteurs nucléaires. Une conscience environnementale est en train de naître en même temps qu’une augmentation permanente du coût et de l’accès à l’électricité. Il est donc tout naturel que la solution solaire s’affiche de plus en plus. La technologie devrait donc continuer à se développer.
Les collectivités en France sont de plus en plus sensibles au sujet et cela se traduit par des installations concrètes. Toutefois, des réticences subsistent et sont explicables :
- La première est la confiance des élus. Il touche aussi bien la LED que le solaire. En effet, l’industrie asiatique a envahi le marché avec des produits de mauvaise qualité à bas prix. Par conséquence, les installations douteuses se sont multipliées depuis 2008.
- La seconde est la baisse des budgets et le surendettement des collectivités locales.
- La dernière est le manque de ligne directrice sur la politique des énergies renouvelables.
III. Le point sur la technologie
C’est grâce aux LED que les produits ont pu évoluer. Les efficacités supérieures à 100 lm/W à des faibles puissances (< 50 W) sollicitent les batteries de manière modérée tout en permettant une charge de celles-ci possible par un module photovoltaïque.
L’éclairage par alimentation photovoltaïque doit répondre à la même qualité de service que l’éclairage traditionnel. Pour cela, « Eclairer juste » devient une nécessité, car les gaspillages inutiles diminuent l’autonomie et la durée de vie des systèmes.
Une des techniques pour améliorer les performances du photovoltaïque consiste à intégrer une électronique spécifique, comme un « cerveau », qui surveille et enregistre à tout moment les niveaux d’ensoleillement, de température, d’énergie restante dans les batteries etc. A partir de ces données, un calculateur ordonne par exemple la gradation de puissance en milieu de nuit afin de préserver l’autonomie des batteries.
Coté stockage, les batteries au plomb-acide que l’on trouve habituellement sur le marché ont des durées de vie entre 2 et 5 ans et supportent mal les écarts de températures, qui augmentent les interventions et le coût de la maintenance. Il est préférable d’utiliser une technologie de batterie au nickel que l’on retrouve sur les véhicules électriques ou en aéronautique, avec un contrôle par BMS interne à la batterie. On atteint ainsi des durées de vie de 10 ans, même à très forte ou faible température. La maintenance est ainsi réduite car on a une configuration où la durée des vies des LED est égale à la durée de vie des batteries.
Enfin, il faut le rappeler : le soleil est une source d’énergie propre contrairement au charbon, au nucléaire, etc. il faut donc veiller à avoir un impact environnemental exemplaire au niveau du produit en analysant son cycle de vie. L’utilisation de matériaux peu polluants ayant des taux de recyclabilité élevés ainsi que de longues durées de vie permet d’avoir des produits solaires exemplaires.
IV. Focus technique : installation et performances de l'éclairage photovoltaïque
Quelles sont les performances de l’éclairage solaire par rapport aux technologies actuelles ?
La puissance d’éclairage sur un mât ne peut dépasser une cinquantaine de Watts sinon la taille du capteur photovoltaïque devient trop importante. Cela se traduit par des flux jusqu’à 6 000 lumens et cible ainsi les classes d’éclairage CE2 à CE5. L’installation ne nécessite aucune tranchée ni câbles électriques, mais un massif de scellement 50 % plus lourd que des candélabres traditionnels.
Quelle est la maintenance nécessaire à ce type d’installation ? Quel coût ?
La maintenance dépend du matériel installé. Le nettoyage des modules solaires n’est pas systématique, l’encrassement des modules dépend de leur inclinaison, du climat et de l’environnement. Toutefois, une faible Inclinaison (< 30°) favorise le dépôt des souillures. Lors de l’entretien des vasques, il faut contrôler visuellement et procéder à un nettoyage du module si besoin par chiffon doux. Sa durée de vie est d’au moins 25 ans. Les batteries ne nécessitent pas d’entretien, celles au plomb-acide doivent être remplacées en moyenne tous les 3 ans tandis que celles au nickel tous les 10 ans.
Le débat sur la transition énergétique a amorcé la pompe. Si on parle bien de « transition », l’éclairage photovoltaïque devra, comme l’énergie photovoltaïque, intervenir dans un mix énergétique équilibré à majorité non nucléaire. Pour limiter le gaspillage, il faut déjà améliorer notre parc existant (horloge astronomique, variation de puissance, etc.), car c’est à moindre coût.
En parallèle, la technique avance, les luminaires consomment de moins en moins et les cellules photovoltaïques produisent de plus en plus (150 W/m² aujourd’hui en moyenne). L’avenir sera de plus en plus solaire, c’est une évidence, l’évolution technologique l’imposera. Reste à savoir quand ? Nos décisions politiques donneront les échéances et, en la matière, nos voisins allemands ont déjà pris une longueur d’avance.